J'ai acheté des CD depuis 1986 (et plein de vinyles avant), j'y ai mis énormément d'argent. J'en ai souvent racheté (remasterisations, bonus tracks...) et aujourd'hui tout ça ne vaut plus rien. Les rayons se vident au profit des DVD, des blu-ray disc (tout pour les yeux, rien pour les oreilles), en attendant le prochain format.

Et pourtant... c'était pas beau tout ça ?


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mardi 19 juillet 2016

#191 : Nine Inch Nails "Ghosts I-IV"

Ouh la la. Non, non, n'attendez pas ici que je vous force la main. Pas question d'essayer de convaincre qui que ce soit, ni de dissuader soit que ce qui d'ailleurs, et inversement. A l'heure où j'écris ces lignes, j'essaye encore de me faire une opinion - hmm... objective ? - de ce truc. De cette oeuvre ? Ce collage ? Cette merde ?

D'abord, commençons simplement. Nine Inch Nails, enfin, Trent Reznor, les tâcherons qui l'accompagnent on s'en fiche comme de l'accordéoniste de Marcel Amont, en ce qui concerne ma modeste et petite personne, j'aurais pu/dû vivre sans et heureux une longue vie, manifestant somme toute assez peu d'intérêt pour la scène Indus, comme il paraît qu'on dit. Car voilà, se barioler de rouge à lèvre noir et se prendre pour un zombie en supportant des grosses guitares matinées de boîte à rythme qu'à côté les Berurier Noir c'est Fleetwood Mac, c'est quelque chose qui ne me serait jamais venu à l'esprit.

Sauf que, et c'est bien mon problème, quelqu'un m'a un jour parlé de ce type avec passion, et donc ben voilà, j'ai écouté. On devait être en 2005, par là, mon dieu, dix ans déjà, With Teeth venait de sortir, j'ai adoré. J'ai fait machine arrière, jamais trop aimé The Fragile, mais The Downward Spiral, oui. Et puis j'étais à fond dans la bidouille logicielle, complètement épaté par des logiciels genre Reaktor qui te laissent le ciel comme limite - ou plutôt, ton manque de talent pour en sortir quelque chose de bizarre (facile) et d'intéressant (euh...). Et Trent Reznor aussi, donc hein, forcément, l'écoute se faisait plus attentive. Et puis sortit Year Zero, complètement flippant, Sarkozy débarquait, bref, la joie.

Et puis, libre de tout contrat avec ces salauds de l'industrie du disque, c'est en fanfare et sous licence Creative Commons que sortit ce machin, Ghosts I-IV. Genre, filez-moi une pièce, copiez-le, distribuez-le, faites ce que vous voulez, I don't give a shit. Dont acte, Trent, dont acte.

Forcément, on se doute bien qu'un double album expérimental et instrumental (enfin, sans voix, parce que euh... bon, on croise pas des tierces et des contrepoints partout non plus) de Nine Trent Nails, ça va pas être un feu d'artifice de tubes calibrés MTV, et que Johnny Cash, il aurait du mal à en reprendre une, de celles-là (sauf peut-être en samplant la pompe à oxygène qui l'alimentait encore cinq minutes avant de casser sa pipe).

Je me souviens, c'était un samedi matin, j'avais téléchargé le truc avant de partir un week-end et l'avais oublié dès le lundi suivant et - voyez-vous cela, il y a deux mois j'ai vu le CD chez un disquaire d'occase à Paris (ah oui, tiens, je l'ai jamais écouté ce truc !) et, punaise, la vie quand même, je retrouve mes fichiers Flac pas plus tard qu'avant hier.

Lassé par les 26° de la mer des Caraïbes et ce ciel bleu toujours, toujours, je me suis donc dit que le moment était venu de tenter l'expérience. Hop, dans le lecteur CD.

Vous me croirez ou pas, je n'arrive pas à zapper. Interloqué, par moments enthousiasmé, par d'autres angoissé, je me le fais en boucle. Il y a là cinquante idées à la secondes alors même que chaque plage (ah, y'en a marre de la plage, pourtant !) paraît assez monotone, au demeurant. On pourrait donc dire, en quelque sorte, que voilà de la musique minimaliste intéressante. Non, je ne critiquerai ni Steve Reich, ni Terry Riley, ni Philip Glass, mais ils me font un peu chier quand même parfois, au bout d'un quart d'heure. A l'heure ou la promesse de l'electro en demeure une pour moi, l'essai n'étant transformé que très rarement (un truc comme Gesafelstein me désespère quand bien même il est de bon ton de hurler au génie), force est de constater que l'animal s'en tire plutôt bien. On applaudit pas forcément des deux mains, mais on ne part pas faire la vaisselle direct non plus. On reste quoi. C'est déjà pas mal.

Mais de quoi parle-t-on ici ? Ouh la, décrire la chose est périlleuse. Je serais un peu tenté de dire qu'un King Crimson post-Red qui n'aurait pas raté son come-back (les affreux Discipline et autres, le rouge le bleu et le jaune, vous voyez ?) aurait parfois pu se rapprocher du truc. Pas étonnant me direz-vous, Adrian Belew participe aux séances. Parfois aussi bruitiste que Metal Machine Music (enfin, que les 20 secondes que j'ai supportées), avec à d'autres moments un peu de recyclage d'effets façon Pink Floyd période Meddle (juste un peu au début, faut pas pousser), et par instants ressemblant à ce que pourrait donner une jam session entre Ennio Morricone et Aphex Twin. Avec beaucoup de boites à rythme (enfin, disons, d'instruments logiciels), avec énormément d'intelligence. Faut dire que Trent Reznor n'est pas le premier Marilyn Manson venu, et que le garçon est à peu près aussi érudit que Michel Legrand, juste un peu plus punk.

Vous voilà bien avancé, et moi aussi. Car je dis cela sans doute avec énormément de complaisance parce que - vous l'aurez compris - j'aime bien ce truc (cette oeuvre, ce machin, etc.). Disons que dans le genre cérébral et torturé, j'y trouve plus d'intérêt que dans les expérimentations opportunistes de Radiohead. Et c'est là sans doute que le bât blesse. Que je manque cruellement d'objectivité. Et que, après toutes ces années, Trent Reznor vient à m'énerver là même où il m'avait bluffé : le trip "je chie sur l'industrie du disque", pour quelques années après revenir en fanfare chez Columbia parce que, quand même, sa musique pouvait ainsi toucher plus de gens, bla bla patin couffin prends-moi pour un dindon.

N'empêche, ce truc me scotche, suffisamment pour le proposer ici, tout en ouvrant - ou pas - le débat : génie ou branleur calculateur ? Packaging ou objet d'art ? Une fois n'est pas coutume, je vous livre avec l'album le livret numérique (superbe) qui était offert avec, de même que plein d'images de NIN à coller (numériquement ?) en fond d'écran (ben voyons, rien que ça). Hé Trent, tu t'imaginais qu'on allait tous lancer des blogs à la gloire de ce truc ? Oui ? Bien tenté, mais non. Enfin pas moi.

Bon enfin, toujours est-il que voilà quelque chose de pas commun. Difficile d'y trouver l'influence de Creedence Clearwater Revival, périlleux de comparer cela au Requiem de Fauré, inutile d'imaginer ça en BO des Demoiselles de Rochefort : vous serez donc d'accord avec moi sur le fait que cela ne ressemble pas à grand chose de connu. Au moment où j'écris ça, j'écoute 33 Ghosts IV, et je me dis qu'on dirait le frémissement d'une bouilloire ou d'une cocotte minute avec les Daft Punk qui jouent la danse de la pluie derrière. Peut-être, mais déjà 34 Ghosts IV (oui, je sais, tu voiiiis, le concept... ces trucs c'est des fantôôômes sonooores donc y'a pas vraiment de tiiiitre hein) m'empêche de zapper. Il faut - ou pas - savoir raison garder, en tout cas, voilà une tentative assez délirante pour mériter au moins une oreille distraite avant la fatale corbeille.

Ou la révélation.

Ghost I-II
Ghost III-IV

1 commentaire:

  1. Comme toi, j'aime beaucoup ce Ghosts I-IV, et j'ai été un peu déçu par la suite des aventures de NIN (The Slip, bof, le suivant pire encore) alors que j'aime toujours ses travaux avec Atticus Ross pour les Bos de Fincher.
    Bon, sinon, j'adore The Fragile, sans doute mon NIN préféré, avec l'EP Still, que je te recommande vivement, tant il est parfait (en gros, la veine piano dépouillé d'un Trent au sommet de son art).

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